Joy Division | NME Originals – Goth – 2005

Simplement la première division

JOY DIVISON, University Of London
NME, 16 février 1980, p 55

Joy Division à l’University of London, c’était à guichets fermés. La guest list était énorme. Leur impact a été substantiel.

Regarder Joy Division, si vous êtes proprement accordé, c’est une expérience désagréable. La musique ne cesse de venir, claire, posée, constante, dure, quasiment une célébration orgiaque du fait que Joy Division soit arrivé à un bruit et une forme qui est distinctive, instinctive et incommensurablement dynamique. L’introversion et la singularité des quatre musiciens sont tenues sous contrôle par intermittence et la musique privée est forcée à sortir en plein air. La tension est surprenante.

La présentation est aussi grise et fade que le bruit est explosif et profondément sombre – le chanteur Ian Curtis qui bat des ailes, comiquement, tel un papillon pris au piège, est le seul mouvement scénique réel, une représentation visuelle de la lutte intrinsèque à la musique des Division. Comme l’a dit Richard Jobson, la musique des Division, est véritablement violente, et c’est la violence de la beauté ancrée dans le désir bestial, la violence de la dépression, l’inhibition, l’échec, le fatalisme…

Ce pourrait être de la vanité, ce pourrait être de l’impatience, voire de la nervosité, mais durant un set de Joy Division, en dehors des chansons, vous aurez de la chance d’entendre plus de deux ou trois mots. Bonjour et au revoir. Pas de présentations, pas de promotion. Bien ou mal ? Au sein des chansons, des paroles minutieuses – des cadres, des situations, des dilemmes, des images primitives et anxieuses. Joy Division est un simulacre puissant, leurs chansons telles des bouts désespérés de cauchemars, clairement dessinées, puissants et personnels. Mais les rêves de Joy Division sont les lieux inéluctables de là où nous vivons. Tout en suggestion en lieu de direction ou de dogme.

Joy Division ont traversé leurs premières chansons très rapidement avec une intensité de sentiment et de concentration. Le groupe a prouvé avec insistance qu’ils fonctionnent toujours très bien loin du mainstream, avançant dans le couloir glissant de l’expérimentation. Ils ont joué plus de nouvelles chansons que d’anciennes (ils n’ont pas joué She’s Lost Control, ni Transmission ni Disorder, ni… nommez votre favorite) et ces nouvelles chansons ne donnent aucune suggestion de stagnation de la Division.

Ces nouvelles chansons montrent que la musique des Divisions est aussi naturelle que celle de PiL, non retenue par les serres grises de la limite ou de l’attente. Joy Division trouvent toujours de nouvelles manières d’alterner la forme, l’emphase et la texture de leur musique. Les nouvelles chansons sont aussi organisées, hostiles et spacieuses que le dernier set, mais il y a une intensification complète, encore plus d’emphase sur la basse de tête et la batterie active, voire une simplification dans l’ensemble.

Les chansons possèdent d’extrêmes paramélodies et certaines n’ont pas de basse, d’autre pas de guitare. Des synthétiseurs et de la basse avec la batterie, ou deux guitares. Le nouveau single, Love Will Tear Us Apart, est un sacré “classique” – basse, synthé, batterie, voix ; Curtis serrant une guitare blanche contre sa poitrine mais l’utilisant rarement. La mobilité et la fluidité de la chanson montrent tout le potentiel existant dans le simple contraste et la connexion d’instruments qu’utilisent les Division. C’est un morceau capital d’une mélodie impressionnante.

Pour Isolation, ils ont la même instrumentalisation, mais elle est plus introvertie et éloignée ; chanson qu’ils n’ont écrite que quelques jours auparavant qui révèle que Numan et Foxx sont des imbéciles heureux. L’introduction complète du synthétiseur n’a pas abimé en aucune manière la cohérence et l’équilibre de la musique. Elle accroit simplement la quantité d’humeur, l’atmosphère, la terreur éphémère que les Division sont capables d’atteindre. Le rappel est une balade confiante, puissante et complètement introvertie, quelque chose comme une amélioration disloquée et dépravée du “Heroes” de Bowie. Tellement impressionnante.

Une partie du “succès” de Joy Division est l’ampleur et la certitude des réactions qu’ils inspirent. Pour cette performance, il y en a eu trois évidentes : l’amour, la pénétration et la stimulation en est une toute en une, et si je n’étais pas retenu par la langue et la responsabilité, je pourrais tenter d’expliquer. Petite frustration : que le groupe n’ait pas exposé à la délectation égoïste leurs standards éloquents. Comme c’est ironique ! Une dérision vieillotte. Un contestataire derrière moi, avec un rire méchant, a estimé que Joy Division étaient les nouveaux Pink Floyd.

La musique de Joy Division est physique et lucide, une musique à propos d’émotions incontrôlables, d’impulsions, de préjugés, de peurs. Le groupe a transformé un problème d’élocution en impressions concrètes des désirs les plus profonds et dégénérés.

C’est une musique simple, mais pas simplette ; énigmatique mais pas impénétrable. Comme l’a dit Danny Baker, Joy Division doivent recevoir un retour de bâton, mais ce n’est pas à lui de le faire. Si le groupe avait démontré la moindre indication de relâchement, j’aurais attaqué. Mais ils sont meilleurs aujourd’hui que jamais. Joy Division va vous anéantir. Encore.

Paul Morley

Traduction : 17 janvier 2022

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