Stripped – Chapitre 30

Revenir purifié

“La plupart de mes amis avec qui je traîne à New York sont des personnes qui choisissent de ne plus boire ou consommer de la drogue, et, honnêtement, la plupart des gens avec qui je traîne sont bien pus créatifs que ceux que je trouvais créatifs avec qui je traînais [avant]”.
– Dave Gahan, 2001

Depeche Mode ont été agréablement surpris quand Ultra est entré dans les charts albums britanniques à la première place, ayant vendu un nombre respectable de 43 000 exemplaires durant sa première semaine de sortie, avec la satisfaction additionnelle de faire tomber de son pédestral Spice – le premier album de la sensation pop fabriquée les Spice Girls – au passage.

Les chroniques d’Ultra étaient un mélange prévisible. James Oldham du NME a donné à Ultra un médiocre six sur dix : “17 ans ensemble, 30 millions d’albums vendus, et en voici un autre pour faire monter d’un cran la marge de profit. Sauf que cette fois, ce n’est pas juste un autre album de Depeche Mode, parce que si c’était le cas, il ne réveillerait pas une telle fascination morbide. Ultra, c’est plus que cela ; c’est la culmination d’un mélodrame suppurant qui aurait pu se finir dans la mort, mais qui à la fin a choisi une crise cardiaque quasiment fatale et un sevrage très long”.

Robn Bresnark du Melody Maker était plus caustique : “L’acouphène linéaire de Ultra fait bourdonner les oreilles et le succès passé de Depeche Mode est envahi de mousse. Ce qui est pourquoi David Gahan ne se remettra jamais. Il est parti trop longtemps. Dans un endroit où il est devenu un crétin. Piégé par l’apitoiement sur lui-même. L’égocentrisme. L’aveuglement. Ce qui est pourquoi Martin Gore, la mère brisée, gâchera le reste de sa carrière à écrire des berceuses sur la promesse de son fils. Balayant les détritus tachetés de sang de son chanteur, stérilisant la chambre avec une brume d’optimisme astringent. Elle se souvient de la douleur de vouloir son retour. Mais elle ne veut plus qu’il revienne”.

La supportrice de longue date des Modes du Guardian, Caroline Sullivan, a été impressionnée par ce qu’elle avait entendu, contournant brièvement par la question évidente de la survie de Gahan : “Les paroles de Gore fournissent foule de désolation pour occuper Gahan. Il y a moins d’images religieuses que d’habitude… Gore lui-même chante ce qui est peut-être le morceau le plus austère, Home. Tous ceux qui doutaient de la puissance de la pop devraient écouter (l’album), puis prétendre ne pas être ému. Même une chanson d’amour apparente comme le single It’s No Good est perturbante”.

Neil McCormick, dans le Daily Telegraph, a écrit : “Bien que les ventes d’albums totales excédant 30 millions d’exemplaires attestent de la popularité mondiale de Depeche Mode, les critiques britanniques ont considéré la métamorphose du groupe de bande synthpop pétillante à électro-rockeurs gothiques avec suspicion. Les photos et les vidéos maussades du photographe Anton Corbijn des garçons chétifs de l’Essex ne soulignaient que leur côté ringard inné, les représentant comme une sorte de U2 à bas prix. en vu de cela, les récentes confessions choquantes de Dave Gahan sur l’addiction à l’héroïne semblent moins être un appel à l’aide qu’une tentative de crédibilité. Étant donné ce scepticisme critique prédominant, enregistrer des chansons intitulées Useless et It’s No Good pourrait être considéré un poil mal avisé. Ultra n’est certainement pas inutile, même si le titre du 12ème album du groupe pose plutôt la question : Ultra-quoi ?

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La progression de Ultra a été nettement plus lente de l’autre côté de l’Atlantique, pourtant il s’est vaillamment battu pour se hausser à la cinquième place du Top 200 du Billboard, où il restera pendant un total de 19 semaines. Même si cela n’avait rien à voir avec les 74 semaines de Violator, c’était toujours plus que suffisant pour booster considérablement les caisses de Martin Gore, et en même temps l’empire d’édition gargantuesque de EMI Records, qui venait de signer Depeche Mode – en réalité Martin Gore – en 1995. (1)

Robert Marlow : “Martin a un compte en banque qui contient probablement 25 millions de livres ! Je ne sais pas, je n’ai jamais demandé, mais de tous ceux que je connaisse, Martin est celui qui vaut le plus d’argent”.

Le magazine Q avait placé les trois membres restants de Depeche Mode parmi les 100 rock stars les plus riches de Grande Bretagne, avec Martin Gore valant d’après ce qu’on disait 15 millions de livres (se classant à la 47ème place), Andy Fletcher – 10 millions de livres (58ème place), tandis que les 5 millions de livres de Dave le classaient à la 76ème place (ayant, on le présume, claqué une part assez considérable de sa fortune pour entretenir ses anciennes habitudes).

Alan Wilder : “Il y a es milliers d’autres personnes qui auraient pu (et dû) avoir été mentionnées dans leur article, qui, comme tous les autres sondages que j’ai vus sur les rock stars et leur richesse, sont énormément à côté de la plaque. certains chiffres mentionnés sont ridicules. ils sont fondés sur des suppositions énormes et pratiquement de la pure conjecture. J’aimais beaucoup Q avant, mais il s’est rapidement cassé la figure durant ces dernières années. Quant à ma fortune personnelle – c’est une affaire privée que je ne désire pas révéler”.

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Avec un nouvel album qui montait haut dans les charts, Depeche Mode penseraient traditionnellement une énorme tournée, mais certaines choses avaient changé. Le NME a révélé qu’ils feront “une tournée de greatest hits” en 1998 “pour promouvoir un double album best of couvrant leur œuvre de 1985 à 1997 [à venir]”.

Andy Fletcher : “Je pense qu’on va tourner l’année prochaine quand on sera tous un peu plus en forme. On a sorti un très bon album et on veut juste jouir du succès de ça, on l’espère”.

Fletcher n’avait pas exclu la possibilité de faire des apparitions live à la télévision entre-temps. “On n’a pas fait de télé live depuis 1982. (2) On a eu quelques mauvaises expériences – à cette époque, la qualité du son était assez merdique, les télés étaient merdiques et aussi les installations qu’elles avaient étaient merdiques. Pourtant, les choses se sont améliorées aujourd’hui”.

Dans l’état où étaient les choses, Depeche Mode, complétés par le batteur de session Christian Eigner et David Clayton (jouant sur une station de travail Korg Trinity via un clavier mère Roland A-90), sont retournés sur scène plus tôt que l’avait anticipé Fletcher, avec un rare set live à l’Adrenaline Village dans le Sud de Londres le 10 avril 1997, filmé par MTV pour une diffusion plus tard dans l’année. Durant la première de ce qu’on appellera les “Ultra Parties”, le groupe a fait un court set pour lancer l’album Ultra, avec Fletcher toujours aux commandes d’un clavier sampleur Emax Turbo II (qui remontait au World Violation Tour de 1990) tandis que Gore jouait sur une guitare Gretsch Anniversary. (3)

Simon Williams du NME y était pour chroniquer l’événement sur invitation seulement vu par des gens comme Nick Cave, Gary Numan et Neil Tennant des Pet Shop Boys. En découvrant qu’une bonne somme de 50 000 £ avait été dépensée pour la simple scène du concert, la réponse du journaliste a été très critique : “Ce nombre entre dans le domaine du positivement frigide quand Depeche Mode finissent par jouer cinq chansons. Si c’est un exercice de publicité pour dire au monde que les problèmes de drogues de Dave sont loin derrière lui et qu’il est aussi en forme qu’un lapin Duracell, merci beaucoup, n’importe quel crétin peut vous dire que jouer cinq morceaux est à peine la tâche la plus difficile au monde. Affaire non résolue. Si c’est un fête pour divers potes, alors l’apparition d’une seule vieille chanson, Never Let Me Down [Again] représente à peine de la grande musique pour les masses”.

Daniel Booth (du Melody Maker) était tout aussi franc : “Mieux que la plupart, Depeche Mode illustre le renversement de la gloire de la pop, de chic à merde, du désespoir à nulle part… ce n’est pas juste un désir mal dégrossi pour les groupes de rester comme ils étaient quand j’étais jeune. C’est juste que Dave Gahan a fini par vivre tous les mythes rock sur lesquels son groupe, et sa pop frivole à deux balles, pissait dessus. Leur découverte de soi a été représentée seulement dans un vocabulaire rock salement sombre et guttural et un son qui devient un cliché infect que le lyrisme confessionnel et perturbé ne peut être réfléchi que par de la musique horrible et tordue. La musique électronique, et surtout l’électropop, doit toujours se sortir complètement de l’emprise de l’horreur industrielle qui détruit les claviers. C’est cet héritage qui continue à saper Depeche Mode ; cette assimilation simpliste de techno-grunge déforme simplement la vérité en une pantomime noire rustre”.

Malgré de telles paroles dures, Depeche Mode a répété l’exercice au Shrine Expo Hall de Los Angeles le 16 mai au sein d’un programme tornade. “On a fait une session photo le lundi [le 13 mai], on a eu ce truc d’internet le mardi, maintenant on a le Tonight Show, demain on a la fête de lancement [d’Ultra], et puis, on espère que c’est fini”, a noté avant Martin Gore.

Le 15 mai, Depeche Mode a fait ses premiers pas sur la télévision du réseau américain sur le Tonight Show avec Jay Leno de NBC. “C’est probablement mon pire cauchemar d’aller à la télé avec de grandes audiences, a déclaré Martin Gore. J’aime écrire des chansons, j’aime être dans un groupe, mais ce n’est pas exactement comment je m’amuse. C’est juste l’une des ces choses que je dois accepter ; ça fait partie du boulot”.

Comme le montraient clairement les images de Gordon Tukumatsu de KNBC 4 Channel 4 News devant les studios Burbank de NBC, le travail de Gore était toujours important en ce qui concerne ses fans américains. “S’il y avait quelques doutes que Depeche Mode a un pouvoir demeurant, jetez un œil à cela – certains fans ont dormi devant le studio, juste pour s’assurer d’avoir une place pour le Tonight Show.

Le 13 mai, Depeche Mode ont participé au tout premier chat internet au monde sous format Real Video de la House of Blues au 8430 Sunset Boulevard, West Hollywood, pour lancer leur site web http://www.depechemode.com, qui a reçu un nombre ahurissant d’un demi-million de hits en moins de 24 heures de son lancement !

Martin Gore : “Ce truc internet a apparemment fait péter des records, ce qui est sympa à entendre. C’est juste étonnant, le fanatisme. On n’a jamais pu comprendre pourquoi nos fans sont si obsessifs. On semble vraiment être le groupe avec les fans les plus obsessifs du milieu”.

Dave Gahan : “Je pense (que internet) est un grand média ; il a vraiment beaucoup ouvert. Je pense que c’est cool que les fans puissent communiquer ensemble sur la hotline. C’est comme envoyer une lettre et avoir une réponse instantanée”.

Andy Fletcher : “Mon point de vue personnel, c’est que l’internet est un peu exagéré. Le problème avec internet, c’est que 99 % des trucs qu’on y trouve – comme la section Depeche Mode – c’est de l’information fausse. Alors il n’y a pas de contrôle et ce n’est pas très exact, et je suppose, tôt ou tard, que lorsque viendra le contrôle, ce sera mieux. Mais maintenant, je pense que son utilité est sur-exagérée”.

À peu près au même moment, Alan Wilder a lancé – et entretenu personnellement – son propre site web de Recoil (www.recoil.co.uk). “On doit garder une qualité de vie, mais pas aux frais du progrès, a déclaré Wilder. Faire ses courses, c’est un bon exemple. Juste naviguer dans un supermarché virtuel, puis rester assis et attendre qu’un jeune boutonneux livre mon choix hebdomadaire directement à ma porte doit être le futur. C’est un paradoxe. Mon projet solo, Recoil, se sert du net pour diffuser la bonne parole et bénéficie des fans qui peuvent échanger du matériel (essentiellement des bootlegs) ; tandis que Depeche Mode, mon autre source de revenus, a besoin de prendre des précautions pour empêcher du matériel non autorisé de voler partout”.

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Tandis que l’internet continuait à s’étendre, l’année 1997 a vu Alan Wilder et Vince Clarke utiliser des canaux promotionnels plus établis, avec des degrés extrêmement divers de succès commercial et critique. Le 10ème album d’Erasure, Cowboy, a engendré trois singles, dont deux– In My Arms (numéro 14 en janvier 1997) et Don’t Say Your Love Is Killing Me (numéro 23 en mars) – ont été des tubes au Royaume-Uni. Une tournée de 37 dates a démarré avec 9 concerts en arénas au Royaume-Uni avant de se diriger vers l’Europe, et l’Amérique du Nord (ayant joué huit dates en club là-bas plus tôt dans l’année dans le cadre de leur Tiny Tour). Malheureusement, Cowboy a fait un bide malgré les efforts de publicité assez proéminents de détaillants comme Tower Records.

L’album et la tournée ont été tous les deux descendus par les critiques ; la chronique de Simon Williams du NME avec 3 sur 10 se moquait, “Cowboy, c’est plus un fredonnement insipide qu’une baise collective inspirée ; de la nourriture obscènement inoffensive de la part de mecs qui auparavant n’étaient pas contre se pavaner sur scène en montrant de fausses nouilles, et maintenant semblent contents de vivre en flottant d’anciennes gloires à la Carry Ow. Comme le fait qu’Andy Bell était hacheur – dans une usine de viande ! Crise de la cinquantaine, quelqu’un ?”

Erasure ne se portaient pas mieux sur scène, comme l’a confirmé la chronique d’un concert à la Wembley Arena (du 18 avril) par Paul Sexton du Times : “Quand Erasure sont entrés dans l’arène synthpop en 1986, Heaven 17 étaient déjà de l’histoire ancienne. Alors le dernier soir de la dernière excursion d’Andy Bell et Vince Clarke a fourni un plaisir anachronique quand les premiers guerriers électroniques ont fini leur première tournée en tant qu’invités spéciaux du duo. Durant leur carrière de plus de dix ans, Erasure ont eu des albums bestseller à la pelle, dont cinq numéros un consécutifs de 1988 à 1994, et 26 singles dans le Top 40. Mais les statistiques récentes suggèrent que l’audimat tourne dans la direction opposée. Pour aller avec le décès commercial rapide de leur dixième album, Cowboy, il y avait quelque chose de monotone dans l’élocution qui est passée comme non pas une simple fin de tournée mais la fin d’une époque. Le chanteur a fait son habituel Danny La Rue de la pop tandis que l’instrumentiste a ajusté un bouton de temps en temps sur son tas de synthétiseurs. Sinon, Clarke était un rôle comique non intentionné ; même s’habiller comme un cactus  est tombé étrangement à plat”.

Pendant ce temps, Alan Wilder préparait une tournure moins commerciale avec Unsound Methods, son quatrième album solo sous le nom de Recoil en octobre 1997.

Alan Wilder : “Il est difficile pour moi de commenter l’album, même si j’ai quelque chose qui ressemble à une réponse en stock, qui est : on peut probablement deviner ce que j’en pense en écoutant Unsound Methods et puis Ultra, parce que les deux albums vous disent tout ce que vous avez besoin de savoir sur quelle était la relation musicale entre moi et Martin [Gore]. C’est pratiquement comme si on était partis aux deux extrêmes de ce qu’on était quand on était ensemble”.

Les critiques étaient clairement perplexes par ce qu’elles avaient entendu, dont The Independent : “Tristement, le titre de cet album par l’ancien membre de Depeche Mode, Alan Wilder, sonne trop vrai (“Méthodes instables”). L’album sombre tout en flux de conscience commet tous les crimes de l’artiste incertain : l’art de se faire plaisir (Drifting), la suffisance (Incubus) et la prétention, sous la forme de bafouillage de narration horrible (Luscious Apparatus)”.

Mojo soutenait plus : “Prenez une pop star. Mettez-le avec une poignée d’invités vocaux bien choisis. Le résultat : un album sombre, qui broie du noir et qui est réalisé avec intelligence. Les chansons sur des pervers, des victimes et des stalkers se modèlent pour s’adapter aux couches glauques et aux tons expressionnistes de Wilder. Ce n’est jamais meilleur que lorsqu’un refrain désincarné de Tu es tout ce dont j’ai besoin pour m’en sortir… résonne à la fin de Control Freak. Rappelez-vous de laisser une veilleuse”.

Alors qu’ont pensé les anciens collègues de Wilder de son œuvre ?

Andy Fletcher : “Très bien produit ; il manque juste un peu d’âme”.

Le public plus traditionnel acheteur de disques a pensé la même chose, car les trois singles extraits de l’album Unsound Methods ont tous raté les charts. Non pas que Wilder semblait excessivement inquiet : “J’avais déjà un contrat très favorable avec Mute – un reste de mes jours DM – et une bonne relation. Je connaissais très bien Dan Miller et je pensais qu’il me soutiendrait dans tout ce que je voulais faire – que ce soit commercial ou pas. J’aime être chez Mute pour toutes ces raisons, et aussi parce que c’est un label indépendant respecté et divers. Le seul inconvénient, c’est qu’ils n’ont pas les fonds pour investir de l’argent dans les projets – comme les majors ont tendance à faire – pour la pub, etc., ce qui peut être frustrant quand tu essaies de te faire connaître”.

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À la suite des exploits bien trop publics de Dave Gahan avec la drogue, la prise de conscience de Depeche Mode avait atteint un niveau historique. L’album Ultra a engendré deux autres tubes avant la fin de l’année avec Home et Useless. Le premier, chanté par Martin Gore, est sorti sur deux CD singles et une cassette single qui incluaient des remixes de Jedi Knights, LFO, Air Skylab et Grantby, plus des enregistrements live de Barrel Of A Gun et It’s No Good capturés à l’“Ultra Party” le 10 avril ; il comprenait un clip tourné à Los Angeles par Steve Green, et a atteint la 23ème place des charts singles britanniques le 28 juin.

Plus tôt la même année, on a demandé à Depeche Mode s’ils pensaient sortir un CD-ROM. Dave Gahan avait répondu, “Je crois que c’est quelque chose qu’on considère, mais on n’a encore rien prévu”.

Ces projets ont été réalisés, le 20 octobre, quand Useless est sorti sur deux CD Extra (Audio/CD-ROM), ce qui signifiait que son contenu pouvait être joué sur des lecteurs conventionnels de CD tandis que des versions numérisées des clips d’Anton Corbijn pour Barrel Of A Gun et It’s No Good (un sur chaque disque) pouvaient être regardées sur un ordinateur. Comme toujours, Depeche Mode faisaient tout leur possible pour rester en avance – ou du moins au courant – de leur époque, et leurs efforts ont été récompensés avec un autre tube du Top 30 au Royaume-Uni, soutenu par un clip maussade bien que coloré de Corbijn situé dans une mine de charbon désaffectée.

De l’autre côté de l’Atlantique, Home et Useless ont été rassemblés en une sortie commune sur 45 tours et maxi 45 tours, CD single standard et Extra, et cassette single, qui a eu toutes les peines du monde à se hisser à la 88ème place du Top 100 du Billboard sans laisser de traces dans le Modern Rock Tracks Chart alternatif.

Ultra, qui a côtoyé les sommets des charts britanniques en 1997, s’est échangé à plus de quatre millions d’exemplaires dans le monde. Un an plus tard, Andy Fletcher – décrit par le NME comme supervisant “la conception, l’exécution et la résolution avec succès de chaque projet, comme lui et Gore ont coutume de nommer l’activité officielle des Modes” – a évidemment été encouragé par le succès de l’album et la revitalisation du groupe.

“On s’amuse à nouveau, et on a hâte de retourner en studio – et on y est restés les trois derniers mois, [où on a] enregistré trois nouveaux morceaux. C’est quasiment une renaissance – comme ça l’a été il y a 15 ans”.

Les images tournées dans les Eastcote Studios montraient Dave Gaha, clairement dans son élément, chantant la nouvelle chanson Only When I Lose Myself – destinée comme single à venir – tandis que Fletcher, Gore avec Tim Simenon et l’ingénieur du son Q, regardaient de derrière la vaste console de la salle de contrôle. Il semblait certainement que Depeche Mode avaient fait la paix avec leurs démons.

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Andy Fletcher était pressé que Depeche Mode retournent en studio d’enregistrement, venant juste de finir d’enregistrer et de mixer trois nouveaux morceaux écrits par Martin Gore dans les studios Eastcote de Londres et Abbey Road avec le producteur d’Ultra Tim Simenon en mars 1998. Cependant, il devra attendre beaucoup étant donné que le trio projetait de faire rentrer beaucoup dans la dernière partie de cette année. En effet, beaucoup de temps se passera avant que Depeche Mode ne refassent surfance quand l’un de ces morceaux, Only When I Lose Myself, est finalement sorti le 7 septembre, suivi par de nouveaux morceaux Headstar et Surrender (plus divers remixes étalés sur un maxi 45 tours et deux CD singles).

La pochette distincte et minimaliste a été conçue par Intro, qui étaient également responsables de l’album Unsound Methods de Recoil, tandis que le clip du vieux photographe de pochette des Modes, Brian Griffin, était un croisement entre David Lynch et une pub pour une belle berline. Non pas que Depeche avaient rompu les liens avec le collaborateur visuel de longue date Anton Corbijn, qui était occupé à concevoir le décor scénique et à tourner des vidéos pour la tournée à venir du groupe pour s’ajouter au matériel déjà existant, ce qui ne ravissait pas Alan Wilder : “On ne m’a pas consulté si je voulais ou pas que mon image soit associée à une tournée à laquelle je ne participais pas”.

Dave Gahan : “Avec Only When I Lose Myself, c’est comme si j’étais allé dans certains endroits avec cette chanson [qui] me mettaient à l’aise”. Simon Williams du NME : “Aujourd’hui, Depeche Mode aiment les beaux packagings, les clips aux dents bien blanches et la sorte de belle musique qui fait dire : Hmmm ! Très bon goût. Très continental. Belles harmonies. Jolie production. Belles dents, aussi. J’ai 32 ans et demi, vous savez”.

Le champion du groupe, Stephen Dalton, était plus représentatif en décrivant Only When I Lose Myself comme “Moins pompeux et plus vulnérable que la plupart des derniers morceaux des Modes, c’est un charmeur à basse tension qui se fait apprécié après quelques écoutes en boucle… les mixes obligatoires big beat et hip hop old skool sont assez parfaits, cependant”.

Sur le plan des charts, le single a atteint une place raisonnable de 17ème position tandis qu’il plongeait avec déception à la 61ème dans le Billboard.

Andy Fletcher : “Je pense que Never Let Me Down Again était l’un de nos meilleurs morceaux jamais enregistrés, l’un de nos morceaux légendaires en live, et en Angleterre, par exemple, il est allé à la 22ème place, ce qui est pour l’Angleterre un très mauvais placement parce qu’on a tendance à aller dans le Top 5. C’est devenu une chanson légendaire, mais en fait, c’était un flop dans les charts singles. Et le morceau Condemnation sur l’album Songs Of Faith And Devotion, on pensait que ça allait petre un tube et ça a été un énorme flop. Parfois on peut dire, parfois non”.

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Cinq jour avant que le single n’arrive dans les bacs britanniques, Depeche Mode a commencé une tournée de “retour” de 64 dates attendue avec impatience qui s’arrêterait dans 18 pays sur une période de quatre mois. Le Singles Tour – ainsi nommé à cause de la compilation The Singles 86>98 à venir que le NME avait spéculé avec erreur qu’elle couvrirait la période de 1985 à 1997 – a démarré à la Festival Arena dans la ville estonienne de Tartu le 2 septembre 1998. (4)

L’Estonie, il semblerait, était un endroit comme un autre pour que Depeche Mode appréhendent à nouveau la scène mondiale. Lors d’une répétition pré-tournée à Londres, assis à cheval sur une flightcase décorée d’un “All the way from Basildon” (“En provenance de Basildon”), le Dave Gahan aux cheveux courts, sobre et sombre a dit à Neil McCormick du Daily Telegraph, “Je suis nerveux – terrifié en fait, mais en même temps très excité. Ma voix est en bonne forme. Je suis en bonne forme. Mentallement, je me sens fort. Je ne sais pas si on peut être jamais prêt pour une tournée, mais je suis aussi prêt que je puis l’être.

“J’ai eu beaucoup de temps pour apprendre à mieux m’occuper de moi. Mes priorités ont changé. Ce n’est plus là où ça commence et là où ça finit pour moi. Ça peut sonner cucul, mais je suis excité de pouvoir retourner sur la route, mais je suis plus excité par le fait de pouvoir ressentir des trucs maintenant et mes changements d’humeur ne sont plus dictés par ce que je m’injecte. C’est une nouvelle expérience pour moi. Pendant un long moment, je pensais qu’étant dans un groupe, tu devais tout faire – rester debout 24 heures, faire la fête, donner 100 pour cent de soi sur scène. Je pensais vraiment que je devais vivre les paroles que je chantais. [Mais] l’excès ne signifie pas que ce soit plus réfléchi ; ça ne signifie pas que c’est plus réel. Le cliché de se faire chier pour son art en est un dont je ne veux plus faire partie…

“C’est une question de chansons et de la manière dont je les chante. Dans ce set, c’est pop, rock, blues et on touche même le gospel par endroits. On est très adaptables”.

Andy Fletcher, étant à la hauteur de son rôle assumé de “[raconter] quelques blagues, [faire] les introductions des discours lors de dîners”, a fait un boulot assez convaincant quand 95 journalistes internationaux (la majorité allemands) et quatre équipes de télévision se sont réunis au Hyatt Hotel de Cologne le 20 avril, pour une conférence de presse qui a servi à annoncer le Single Tour : “Merci à tous les représentants de tous les pays, et merci à notre manager, Jonathan [Kessler], qui nous a gardés unis durant les quatre dernières années – [ça] a [dû] être très dur. Je pense qu’il y a quatre ans, quand on a fini la dernière tournée de Depeche Mode, on pensait peut-être qu’il n’y en aurait pas d’autre, mais depuis, on a enregistré ce qu’on estime être un très bon album [Ultra].

“On est restés en studio ces trois derniers mois, à enregistrer de nouvelles chansons, et cette tournée à venir, qui nous réjouit… on pense que ce sera l’une des meilleures tournées de Depeche Mode. On fera tous nos meilleurs morceaux des 12 dernières années, alors ce sera une perspective historique, et on a vraiment hâte d’y arriver”.

En apprenant la nouvelle que ses anciens collègues tournaient à nouveau, Alan Wilder a commenté : “Je pense, compte tenu tout ce qu’il s’est passé durant les dernières années, qu’ils sont très courageux de retourner sur la route – non pas à cause de mon départ, mais parce que les excès du Devotional Tour a laissé des traces sur tout le monde, et je doute que les membres restants voudront les refaire. Ceci dit, je n’ai aucune idée de comment sera le spectacle”.

Le spectacle se déroulait sur des scènes considérablement plus grandes avec plus de chansons, plus de lumières et avec des musiciens et des instruments légèrement différents – l’employé Peter Gordeno remplaçant le claviériste principal David Clayton, tandis que Martin Gore faisait un doublé claviers avec sa bien aimée guitare Gretsch avec deux sampleurs Emax II Turbo.

Martin Gore : “J’ai commencé à jouer des instruments à 13 ans – j’ai commencé par la guitare. Je n’ai pas vu de synthé avant l’âge de 18 ans, alors, d’une manière, ce n’était pas naturel pour moi d’être joueur de synthétiseur pendant les 10 premières années de notre histoire – sept ans, peu importe. C’était naturel pour moi de passer à la guitare. Si tu regardes [la setlist du Singles Tour], il y a 80 pour cent de chansons [sur lesquelles] je jouerai de la guitare, parce que 80 pour cent de nos chansons ont des guitares, mais il y a [aussi] des chansons sur lesquelles je joue du synthétiseur”.

Andy Fletcher : “On va utiliser un batteur à temps plein sur scène – c’est un Autrichien, qui est vraiment bon. Il a travaillé avec nous sur une émission télé [The Tonight Show with Jay Leno] – Christian Eigner”.

Dave Gahan : “Utiliser un batteur durant tout le concert, c’est quelque chose qu’on a testé sur les tournées Devotional et Exotic. On a utilisé des choristes sur celles-là – ça a bien marché, alors on [fera] ça. On a besoin d’un claviériste, parce qu’Alan n’est plus avec nous, et qu’il jouait beaucoup de choses. Des petites choses qu’on a fait sur les Ultra Parties transformaient vraiment les vieilles chansons un peu, je pense. Pour moi, c’était beaucoup plus excitant de sentir un batteur derrière moi”.

À la conférence de presse de Cologne, Gahan a abordé la question du direct à l’opposé des musiques pré-enregistrée sur scène : “C’est bizarre qu’on nous ait jamais posé de question comme ça auparavant. On nous a toujours attaqués pendant des années et des années pour avoir fait ça, et on [a] probablement été l’un des premiers groupes à faire ça et a l’admettre ouvertement. [Mais] les groupes font ça depuis des années, que ce soit Pink Floyd ou Depeche Mode. Pour nous, c’est quelque chose de très différent d’essayer de jouer une grande partie des trucs live”.

Martin Gore – dont les paroles d’ouverture à la réunion de Cologne étaient “ Je suis très désolée, Alan n’a pu venir !” – a ajouté : “C’est toujours impossible pour nous de jouer absolument tout live, parce que nos disques sont trop complexes. C’est un fait, et je pense que n’importe qui de sensé se rendra compte de ça”.

Quand aux bandes rythmiques, Wilder a spéculé tout d’abord, “Je trouverais ça peu probable qu’ils utilisent des parties d’anciennes bandes”, commentant plus tard, “De ce que je peux déduire, il semblerait qu’ils se sont efforcés à centraliser leurs versions live beaucoup autour des singles originaux – faites en ce que vous en voulez”.

Tout dépit apparent de la part de Wilder était peut-être compréhensible, s’il avait été pris si désagréablement comme une raillerie de ses anciens collègues pour tirer profit de ses travaux sur ce qui pourrait être perçu comme une bonne excuse de “Greatest Hits”. Cependant, il était loin d’être supris par les rapports des derniers succès lives de Depeche mode dans le bloc de l’Est.

Alan Wilder : “Je ne pense pas que ça vient du genre de la tournée. C’est simplement que Depeche Mode ont toujours eu des fans particulièrement loyaux, et jouent pour la première fois dans des endroits comme la Russie [Moscou et St Pétersbourg] et l’Europe de l’Est [l’Estonie] où ils sont très populaires. Ces endroits ne voient pas très souvent la visite de leurs groupes préférés, alors la réaction à DM n’est pas surprenante”.

Sam Taylor de The Observer a rejoint 21 000 “Euro-goths” au concert en plein air au Waldstadion de Berlin le 18 septembre : “Tandis que le soleil se couche, la silhouette de la forêt apparaît sombrement sur la scène, élégant ensemble pourpre et argent créé par Anton Corbijn à l’image d’un peep-show. L’air est calme, le son est parfaitement clair ; on peut voir pourquoi Hitler a choisi de répéter ses meetings ici. À un moment, les projecteurs sont tournés vers le public et le stade est transformé dans un océan rose chair de bras qui se balancent.

“La musique est comme il convient austère et rigide ; on pourrait croire que c’était Kraftwerk qui s’attaquaient au Götterdämmerung, s’il n’y avait pas Gahan qui appâtait le public avec des mouvements de hanches à la Shakin’ Stevens et qui braillait That’s right toutes les secondes et demies. C’est, véritablement, la version de Basildon de Michael Hutchence avec moitié moins de charisme et deux fois plus de côté auto-destructeur ; pourtant, d’une certaine manière, non seulement il est vivant, mais une plus grande star que ne l’a jamais été Hutch. Il a certainement de la chance d’être dans le même groupe que Gore. Sur scène, il est clair combien ils ont besoin chacun de l’autre. Gore tout seul est un brin anonyme ; Gahan tout seul est un pastich rock galvaudé. Ensemble, ils sont bizarrement convaincants”.

Carl Loben du Melody Maker s’est acharné ; ayant assisté au concert à la Wembley Arena (le 29 septembre) (5) : “Depeche Mode sont nés en tant que synth-poppeux enjoués au début des années 1980 avant de passer à de superbes bourdes de ferraille pour leur troisième album. Puis ils sont passés industriels, sont devenus énooooormes, et leur chanteur est devenu accro à l’héroïne. C’est franchement dommage qu’ils soient terribles maintenant… Dave Gahan est clean aujourd’hui, bien sûr, même si avec son addiction est également parti le charme actuel de Depeche”.

Même Caroline Sullivan, qui les soutenait traditionnellement, était plus réservée : “Le groupe revisite leur période fertile de tubes (bien que les tubes se soient taris un peu récemment, avec le single actuel, Only When I Lose Myself, atteignant à peine le Top 20), et les fans savourent deux heures de mélancolie familière. Cet arrangement simple est une bonne chose tout le long, saud pour ceux qui attendaient la grandeur qui distinguait habituellement les concerts des Modes. Pour ceux-là, les répétitions rapides de [tubes] extraits de leur période gothique la plus noire a pu être une douche – ainsi que, peut-être, le décor scénique : des rideaux bleus flanqués d’un énorme DM illuminé qui était censé évoquer un look peep-show berlinois”.

Un fan a trouvé les rebuffades inquiétantes, citant une chronique parue dans le magazine Q dont “le paragraphe de fin déclare explicitement que Dave est une personne moins intéressante et charismatique maintenant qu’il n’est plus camé”.

Alan Wilder : “La seule raison pour laquelle je trouverais ça inquiétant, c’est parce que c’est un tel cliché. Ce ne sera pas la première fois qu’on dira [qu’] un artiste est plus intéressant quand il est sous l’emprise de la drogue. Je ne comprends pas comment le journaliste peut dire que Dave est une personne plus ou moins intéressante sans l’avoir rencontré avant et après son expérience avec la drogue. S’il l’a effectivement fait, alors à chacun son opinion. S’il veut dire que sa prestation n’est pas aussi bonne, eh bien, il a aussi le droit à son opinion.

09JAN14

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(1) C’est pourquoi les dernières chansons de l’époque Ultra de Martin Gore étaient créditées “publié par EMI Music Publishing Ltd, cédé par Grabbing Hands Ltd” sauf Useless qui a été cédé à EMI par Grabbing Hands Music Overseas Ltd.  

(2) Andy Fletcher se référait à The Tube, quand tout le matériel du groupe est tombé en panne à part le clavier Moog Source de Fletcher.  

(3) Copiée par Dick Knight pour l’utilisation sur scène de la Gretsch originale de Gore, utilisant des pièces originales de Gretsch, mais avec plus de bois dans son corps pour réduire le larsen.  

(4) Les anciens États soviétiques étaient un bastion Depeche Mode, et telle est la fascination fanatique du meilleur export de Basildon que Tallinn, une autre ville d’Estonie, possède avec fierté un bar Depeche Mode. Un journaliste du Oiwetwr passant a noté plus tard : “… un coin de cette ville étrangère sera toujours Basildon… un sanctuaire à l’Essex des années 1980”.

(5) Le Professeur Stephen Hawking, auteur impressionnant d’une brève Histoire du temps, a accessoirement assisté à ce concert du 29 septembre à la Wembley Arena. D’après ce qu’on dit, il aimait tellement le groupe qu’il avait programmé Just Can’t Get Enough sur son téléphone portable !

Traduction – 9 janvier 2014

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3 commentaires sur “Stripped – Chapitre 30

      1. Un grand merci à vous pour le boulot qui est énorme .. mais oh combien passionnant ! 😉

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